Je partage avec vous l'interview réalisé par Clic Perruques à l'occasion d'octobre rose 2019.
Retrouvez l'article complet ici:
Qui êtes-vous en quelques mots… Quel est votre combat? Quand et comment avez-vous appris votre maladie? Où en êtes-vous aujourd’hui?
Je suis Mélanie, 40 ans. J’ai un cancer du sein de type HER2 diagnostiqué en mai 2019.
Suite à un burnout en 2017, après près de 15 ans dans une banque, j’ai quitté mon poste de responsable rémunérations et j’ai repris des études de décoration d’intérieur en septembre 2018. Fraîchement diplômée en mars 2019, j’étais sur le point de créer mon entreprise lorsque j’ai découvert par hasard, en prenant ma douche, une boule dans mon sein gauche. L’univers s’est alors écroulé sous mes pieds, car j’ai vite compris que ma vie allait basculer. Les examens médicaux (mammographie, échographie, irm et biopsie) se sont vite enchainés, ne faisant que confirmer mes craintes. Après une attente de 10 jours qui m’a semblé interminable, ma gynécologue m’envoie un simple mail : « Chère Mélanie, je reçois ce jour les résultats de ta biopsie qui montre la présence de cellules irrégulières. Une intervention est nécessaire. As-tu choisi un chirurgien ? » Pas un appel, pas une explication.
Une fois les résultats de la biopsie entre les mains, je découvre le jargon « carcinome infiltrant » et je découvre seule que j’ai un cancer, affectée par le manque d’explication et d’accompagnement. Je prends alors rendez-vous à l’institut Curie, où je prends une 2e gifle : le traitement nécessite 5 mois de chimiothérapie, une mastectomie totale, de la radiothérapie et des injections d’herceptin pendant presque 1 an.
La colère et la tristesse m’envahissent. Pourquoi moi ? pourquoi maintenant ? l’année de mes 40 ans, l’année de ma création d’entreprise, de mes 10 ans de mariage.
C’est au moment d’aller choisir ma perruque et mes turbans, juste avant la pose de mon cathéter qui concrétise mon début de traitement, alors que j’étais terrifiée par tout ce qui m’attendait, que mes 1eres appréhensions se sont envolées. J’ai reçu pleins de conseils et astuces pour faire face aux effets secondaires et je me suis sentie armée et prête à affronter, voir à accepter l’inacceptable.
L’annonce à l’entourage, à mes 2 filles de 5 et 9 ans a été une étape très éprouvante sur le plan émotionnel, mais j’ai eu la chance de recevoir énormément de soutien et de bienveillance. Se sentir soutenue, épaulée donne une force incroyable. Et les enfants ont ce pouvoir de dédramatiser les événements.
J’ai commencé la chimiothérapie le 5 juin 2019, je suis actuellement encore en traitement jusque novembre. Pour le reste, un jour après l’autre.
Pourquoi acceptez-vous de partager votre histoire?
Le fait de partager avec d’autres femmes son parcours, sa façon de gérer la maladie nous donne des ressources inespérées, nous rassure et crée un lien extraordinaire de solidarité féminine. Je remercie toutes les femmes courageuses qui l’ont fait avant moi et qui m’ont rassuré juste en racontant leur histoire.
Octobre Rose, nous y sommes ! S’il y avait une initiative à mettre à l’honneur, laquelle serait-elle?
J’aime particulièrement les événements sportifs, telles que les marches ou courses solidaires, type Odysséa.
Quelles sont les petites remarques ou attitudes qui vous agacent, vous font sourire ou au contraire vous réconforte ? Comment avez-vous fait pour les dépasser ?
La vraie personnalité des personnes qui t’entoure se révèle face à la maladie. Elles projettent sur nous leurs propres peurs et leurs angoisses, et c’est parfois difficile de les gérer.
Il y a ceux qui fuient et nous évitent, qui n’ont pas de mots.
Il y a ceux qui se veulent rassurants mais qui sont au final maladroits : « ce cancer se soigne bien », « garde le moral surtout », « ah mais tu vas avoir un an de vacances»… Il y a un livret très bien fait qui illustre ces petites remarques blessantes et qui aide l’entourage à appréhender la relation avec une personne malade.
Par quelles solutions avez-vous eu recours pour cacher votre chute de cheveux ? Comment avez-vous été accompagnée dans le cadre de votre perte de cheveux ? Plutôt team perruque ou team turban?
J’ai choisi de raser mes cheveux 15 jours après ma 1ère injection de chimiothérapie. Je ne voulais pas voir mes cheveux tomber dans la baignoire ou sur l’oreiller alors j’ai pris les choses en main. J’ai été accompagnée par un salon spécialisée sur Paris.
Et paradoxalement, je me suis sentie fière, forte et courageuse, presque pour la première fois de ma vie. J’ai d’abord choisi une perruque qui correspondait exactement à ma coupe de cheveux. Et puis j’ai essayé quelques foulards et turbans, sans grande conviction au début. J’ai fini par découvrir les franges et les bonnets des Franjynes, et là, je me suis réinventée un style, j’ai joué avec mes looks et les couleurs. Les retours ont tout de suite été très positifs. Aujourd’hui on peut dire que je m’amuse avec mes coiffures, j’en fait un vrai atout. Je suis team turban à fond !
L’ironie du sort, c’est que je n’aimais ni mes seins (trop petits), ni mes cheveux (trop frisés et blancs avant l’heure). Aujourd’hui je dois faire sans et bizarrement je me sens libérée et au top de ma féminité.
Quels sont vos trucs et astuces pour rester féminine ?
Porter des vêtements colorés, accessoiriser son look avec des bijoux, et apprendre les bonnes méthodes de maquillage (grâce à la socio-esthétique) pour garder bonne mine et faire illusion face à la perte des cils et sourcils.
La féminité réappropriée pour s’accepter, faire face aux épreuves, garder le moral.
Concernant les conséquences du traitement, avez-vous été renseignée et conseillée sur les soins de support pour mieux vivre les effets secondaires?
Lors de mon parcours de soin, l’infirmière, avant le début des traitements, m’a informé sur la meilleure façon de se faire accompagner. Et puis j’ai assisté aux journées portes ouvertes de l’AFSOS (Association Française des Soins Oncologiques de Support) au sein de l’hôpital.
J’ai la chance de vivre en région parisienne et d’avoir des associations proches de chez moi qui proposent diverses activités : socio-esthétique, yoga, sophrologie, automassages, nutrition, art thérapie… entre autres.
Parmi ces associations : la maison des proches et des patients de l’institut Curie à Saint-Cloud, la ligue contre le cancer du 92, les alyzés à Suresnes et la maison rose à Paris.
Ces soins de support et ces associations sont essentiels dans mon parcours. Cela m’aide énormément à gérer le stress, ma féminité, ma condition physique et à faire de très belles rencontres humaines qui auraient été tout simplement impossibles avant.
Qu’aimeriez-vous dire aux personnes qui sont dans la même situation que vous ?
Cette épreuve est douloureuse dans la tête et dans le corps. C’est un tsunami, un deuil.
Vous avez alors 2 options :
1-aller à contre-courant, lutter, ne pas accepter, être en colère et vous replier sur vous-même. Cela n’entraine que souffrance.
2-accepter de vous faire guider par le courant, de vous faire accompagner et aider, prendre soin de vous. Votre vision de la vie et vos convictions vont alors changer.
Quels seraient les conseils que vous donneriez aux proches qui accompagnent une personne diagnostiquée d’un cancer?
Ne pas donner de conseils ou de leçons.
Ne pas se mettre à la place du malade. Vous ne pouvez pas ressentir ce qui l’anime à l’intérieur.
Etre simplement présent pour sortir et lui changer les idées. Etre à l’écoute et bienveillant, sans jugement et sans projeter ses propres craintes sur la personne atteinte, car croyez-moi, elle est déjà assez apeurée comme cela.
Quels sont les projets auxquels vous tenez le plus?
Pendant mon traitement, je tiens absolument à continuer à faire du sport, à prendre soin de moi, à participer à un maximum d’activités en fonction de mon état de fatigue.
Parce que ça aide à avoir confiance en soi, à se redécouvrir et à donner la force d’avancer.
Et puis reprendre mon activité de décoratrice d’intérieur… et peut-être établir un autre projet entrepreneurial au grès de mes envies et de mes rencontres, car je suis en train de changer au plus profond de moi, et ça remet en cause pleins de choses.
Un cri de guerre à faire entendre au monde entier?
Ma devise : ne pas subir !
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